Selon l’institut de sondage Harris Interactive, 12% des français avouaient en 2015 avoir déjà espionné leurs voisins. Si la curiosité est souvent vue comme un vilain défaut, il semblerait que le fait de regarder par la baie vitrée de ses voisins soit plus courant qu’il n’y parait.
Mais que ce soit une fois par an ou toutes les dix minutes, est-ce normal d’observer ses voisins ? Qu’est-ce qui anime cette curiosité et comment réagir si on surprend ses voisins en train de regarder chez nous ?
Pour Hélène L’Heuillet, psychanalyste et maître de conférence à la Sorbonne à Paris, “l’habitat de masse en général, en ville, mais aussi dans les cités, ou encore dans les zones pavillonnaires, favorise le face-à-face. On est collés contre les autres, on se voit, ou pire, on s’entend sans se voir”. L’experte explique ainsi que même la personne qui n’est pas portée sur l’observation de son voisinage peut un jour ou l’autre y mettre les pieds sans le vouloir car “en plus des conditions nouvelles de l’habitat de masse, il faut ajouter que nous vivons dans une culture du visuel. Notre rapport à l’autre passe beaucoup par l’image, l’imagination, et le regard”, poursuit-elle.
La psychothérapeute Emma Scali va plus loin : “On aime comprendre comment les autres vivent pour mieux appréhender notre propre façon de vivre. C’est également ce que nous faisons quand nous allons au théâtre ou au cinéma, ou quand on regarde des émissions de téléréalité.” explique-t-elle. La spécialiste ajoute entre autre que “selon un sondage BVA/Notre Temps, les plus de 65 ans passeraient en moyenne 40% de leur temps libre à espionner leurs voisins. Mais les plus jeunes sont aussi très curieux, puisque 19% des moins de 25 ans l’ont déjà fait”.
Avis partagé par Hélène L’Heuillet pour qui “les jeunes sont plus regardés que regardant, plus « espionnés » qu’espionnant. Le lieu de vie est moins important pour eux que pour leurs parents, car ils vivent une époque de leur vie où, en règle générale, ils déménagent souvent. Les comparaisons se produisent plus avec les copains qu’avec les voisins.”
Le fameux cliché de la voisine constamment collée à sa fenêtre pour surveiller les allées et venues ne serait donc pas totalement fantasmé. Mais pour Hélène L’Heuillet, cette activité d’espionnage presque “ancestrale” “ne paraît pas tant liée au sexe, qu’encore une fois, au rapport au lieu. Le travail féminin a mis fin à ce type de « femme-espionne ».
Et si ce sont nos voisins qui nous espionnent ?
De petit jeu à véritable habitude, l’espionnage entre voisins peut très vite nous concerner et tout à coup sembler moins drôle quand on se sent observé par ses propres voisins. Afin d’éviter toute forme de quiproquo, Emma Scali conseille de dédramatiser la situation. “Premièrement, il faut communiquer pour s’assurer des intentions du voisin en question. Peut-être n’y avait-il pas espionnage”, indique-t-elle.
Si la situation (et le caractère du voisin) le permet, Hélène L’Heuillet propose même de jouer la carte de l’humour en assénant des répliques sympathiques telles que « Ravie de vous intéresser à ce point! » ou « Venez voir à l’intérieur au lieu de regarder par le trou de la serrure ». La thérapeute précise le bien-fondé de cette méthode : “en principe, celui qui est surpris a honte. En général, ça suffit.” Le tout sans oublier que “si c’est plus grave, et devient menaçant — cela arrive, hélas — il faut faire appel au tiers institutionnel, la police.” recommande l’experte.